EN RADE
L’auto stoppeuse sans clefs s’éloigne de l’abri elle a mis son corps en paiement de voyage
Elle se risque au droit de voir l’autre monde pour un réveil nu aux blessures du soleil
aux oiseaux qui font silence elle chante belle égarée sous les dents de l’argent
ce désir que la nuit devienne jour vagabonde dans le limon de la vie
au bivouac du soir elle danse elle a dans sa bouche le goût
et sur le fil de la plénitude du sable mouvant
elle s’endort qui l’étouffe
Elle fut
sur le fil drap
fuyante, orpheline de l’est
une petite fille aux mains rouges
kidnappée par l’aveuglante liberté
sur le mur d’un pensionnat de briques rouges sales
En escapade de ce l’eau, pain de souffrances quotidiennes
Emportant les rêves sans cage, d’un continent de couleur arc-en-ciel
pour connaître demain le pouvoir de dire non, de dire oui, de dire merci la vie.
Seule si seule au bout des frontières, captive en Armorique elle va de rochers en rochers.
Pour finir dans un crade rade de Brest tête si lourde posée au creux d’une main non manucurée,
les jambes croisées haut sans bas supportant une cheville tressautant
esseulée avec le soir si proche, si gris au bout de cette terre
lasse, assise de biais au guéridon de marbre usé
la fille aux cheveux rouges est en rade.
Devant un café tiède sans sucre
ses rêves d’Amériques
ont embarqué
sans elle.
Pour ne voir la porte s’ouvre
le gris de la rue regard furtif, le marin
ou juste pour éviter cherche le sexe opposé
de dessiner du bout d’un doigt pour se laver des phantasmes
des sigles de songes incompréhensibles. des grandes solitudes de pleines mers.
En accroche regard, un rideau de napperon gris Un courant d’iode frais le suit et s’aplatit
s’accouple à la vitre embuée de vapeurs moules frites. faisant le dos rond sous la tabagique brume bleue.
Ses chairs froissées pourront -elles attendre quinze mille heures pour le départ,
dans l’interminable traversée des étreintes forcées la fille révoltée patiente.
Les songes des très mauvais jours ont mis du rouge à ses joues.
L’espérance a forcé le rouge de ses lèvres
c’est l’appel du phare pour le matelot.
Tant de larmes dans le lit sale
pour mettre à flots
l’espoir bateau
et fuir,
seule.
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